La terre craque

(c) Pali Malom

 

Berlin est une ville de chantiers à ciel ouvert depuis trente ans, depuis la chute du mur, depuis le lent effacement de la zone morte entre les deux murs. ici cela rénove, là cela rase, là-bas cela réhabilite au gré des quartiers, des mobilisations d’habitants aussi. Cela lui confère une incroyable vitalité, une énergie qui circule de part en part en continu, vivifiante.

Cela donne aussi de très beaux points de vue, insolite, interpellant, comme ce volcan de goudron ou ce tas de peaux de goudrons posé devant la mairie. A gauche des fouilles archéologiques avant de recouvrir le tout d’une dalle et reconstruire un quartier neuf sur celui rasé par le régime de l Est qui a détruit l’ancien palais et les bâtiments annexes pour faire une grand place de rassemblement pour le peuple 😉

Sauvageonne insoumise

(c) Pali Malom

Elle aime les arbres, les forêts, les clairières, les fontaines et les sources. C’est elle qui règle le passage d’un monde à l’autre, entre deux univers, entre la sauvagerie et la civilisation, entre le dur et le mou, entre l’herbe et la pierre,  entre horizontalité et verticalité, entre rigidité et flexibilité, entre la terre et l’eau, entre l’enfance et le monde adulte, entre le souvenir et le vivant. Sauvageonne insoumise et fière, nue et belle, elle n’aime rien tant que la chasse et jouer à cacher cache avec le soleil.

Berlin à la Prévert

J’ai passé quatre jours à Berlin, quatre jours bousculant et vivifiant à beaucoup d’égards.

De la couleur, des sourires, des gens qui prennent le temps, des garçons de café accueillants, des petits bancs partout pour se poser ou se reposer.

Des papas qui sont au jardin avec les enfants, que des papas, des jardins pour enfants pas totalement aseptisés avec harnais de sécurité, chaussures trampolines, casque, coudières, genouillères.

Un mélange d’architecture incessant dans le centre de Mitte qui ne ressemble pas un centre historique et chloroformé, des jeunes en quantité massive, des litres de bière en quantité massive (la bière est au prix de l’eau, voire moins chère).

Des vélos  à perte de vue, et des cyclistes, pas de moto, pas de scooter, pas de mobylette, des voitures dans les tunnels sous la vielle et à peine dessus. Un grand silence dans une marée verte de parcs, d’arbres, d’espaces retournant doucettement à la vie sauvage. Des boutiques de fleurs à repiquer à tous les coins de rue.

Des traces et mémoriaux autour de la guerre et de la Shoah. Une page d’histoire tournée mais toujours présente et vivante dans la ville.

Des ours à foison, une ours parade comme les menhirs à Paris ou ailleurs.

Un restaurant indien à mourir de bonheur, le Pooja. Un restaurant végétarien, Cookies cream, bondé et  complètement improbable dans une arrière cour sordide. Un restaurant gastronomique vietnamien au pied d’un gigantesque complexe hôtelier. Parce que cela passe mieux que la cuisine allemande roborative qui s’était mise l’heure des fraises et des asperges (produits de saison oblige).

Des parcs envahis de sièges, de bancs, de chaises longues, de buvettes, de barbecues, de gens de tous âges, parlant toutes langues jusque très tard dans la nuit. Des jardins dédiés à la bière….

Des trains, des trams, des métros, des canaux, et une rivière qui traversent la ville de part en part, la découpant en petits tronçons, en mini quartiers.

Des travaux encore et partout. Plus de trente ans après la chute, il reste un nombre colossal de ruines, de friches et d’espaces nus dans lesquels il faut d’abord pomper toute l’eau des marécages avant de pouvoir construire.

Une effervescence de vie, créative plus que consumériste, qui irrigue la ville et le rend terriblement vivante et attachante. Des milliers de tags tous plus incroyables, comme cette caserne de pompiers recouverte de flammes de peinture dans le quartier turc ou le mythique squat d’artistes de Tacheles.