Couleurs

Il est cinq heures, Paris s’endort. La pluie n’a cessé de laver le ciel, les toits, les rues pour célébrer la nouvelle année. La couche de nuages se déchire comme un vieil habit usagé et laisse filtrer le soleil. Les rayons d’or scintillent sur les milliers de gouttes d’eau au sol, sur les murs, les vitres. Paris est redevenue ville lumière, étincelante sous son immense boule à facettes de gouttelettes.

Le soleil poursuit lentement sa course vers l’Australie. Il garde les couleurs vives pour les loriquets et autres oiseaux multicolores. Il nous offre ses derniers pastels frais. Layette. Le ciel est un zèbre d’enfance rose et bleu qui broute les nuages floconneux. Et les arbres dessinent au fusain de leurs branches d’incroyables perspectives.

Crédit photo Alain Delavie

 

Méditer avec Rosita

Ce soir je suis rentrée d’une journée de travail, le cerveau d’un côté qui bouillait à petit feu, et moi de l’autre qui essayais de rester avec lui. Pas toujours facile. Ni le thé thaï, ni les attentions délicates de ma fille ne m’ont permis de vraiment remettre tout le monde ensemble au même rythme. J’avais besoin d’air. Un impérieux besoin de sentir de l’air frais sur ma tête. Alors je suis sortie sur le balcon, la porte ouverte pour continuer à babiller joyeusement avec ma fille.
Rosita a aussitôt pensé que je venais remplir sa gamelle, et elle s’est posée, est allée voir la gamelle vide, s’est rapprochée de moi et m’a regardée de toutes les façons possibles. Joli cœur est arrivé dans son frou frou habituel, à savante distance de moi. Ils ne comprenaient visiblement pas de ne pas me voir à la hauteur habituelle, et de dos de surcroît. J’avais brutalement rapetissé. Etait-ce un piège pour eux ou un terrible sortilège pour moi ? Rosita marchait d’un côté à l’autre du balcon en évitant quand même de me frôler, elle s’envolait pour se poser vingt centimètres plus loin. J’ai regretté de ne pas être allée m’asseoir avec mon appareil photo, j’aurais pu faire de portraits plus intéressants des deux tourtereaux. Joli cœur avait visiblement décidé de jouer les hardis et de marcher de bout en bout sans passer par la case envol, et puis au dernier moment, l’instinct de survie a pris le dessus et il a imité Rosita. Sauf que lui s’est lassé et est parti se promener. Elle non. Elle essayait de m’hypnotiser par l’arrière. Alors moi aussi j’ai craqué, lasse de me tordre le cou pour suivre ses allées et venues. J’ai changé la chaise de place et me suis assise face à elle.
Intense face à face, œil à œil. Elle naviguait de la gamelle à mon aplomb, de mon aplomb à la jardinière d’où elle matait la gamelle pleine des mésanges. Je me suis demandée longtemps si elle allait oser descendre au sol pour jouer les aspirateurs, moi sur le balcon. Elle aussi visiblement vu le nombre de fois où elle a étudié les trajectoires possibles, s’est tordu le cou comme un périscope savant. Elle a renoncé, oui mais pas à me faire passer le message. Elle est allée picorer les fleurs. Je picore une fleur, je te regarde, je picore une fleur, je te regarde. Et là j’ai pris la parole. Chère Rosita, j’ai bien compris le message mais ce n’est pas une raison pour saccager mes plantations. Elle a arrêté. S’est tassée sur sa jambe valide et est passé sur le mode séduction. Pigeon qui fait la roue comme un paon. Elle fait cela très bien. Je l’admire, je la félicite. Elle doit bien sentir l’énergie de joie. J’ai eu le droit à trois pigeons-paon en peu de temps. Sublime ! alors évidemment j’ai craqué et je suis allée chercher des graines. Joli cœur a surgi de nulle part comme par enchantement. Fin du spectacle.
Je n’ai pas quitté ma chaise et je les ai regardés manger de très très près, 60 à 80 cm. Rosita près d moi, Joli cœur un peu plus loin. Elle n’était pas trop rassurée. Je mange un grain. Je lève la tête, pendant ce temps-là Joli cœur jouait au pic vert, il mitraillait la gamelle de ses coups de bec. Elle finit par se rasséréner et s’est mise à manger avec moins de suspicion. Puis vient le moment de la gamelle vide. Joli cœur a fait volte face, flexion de jambes et hop envol. Mais pas Rosita. Retour de Joli cœur, même posture, même flexion et un coup d’œil pour regarder Rosita qui n’avait d’yeux que pour moi. Joli cœur marche d’un pas décidé vers Rosita qui le regarde, genre, tu veux quoi, et hop il s’envole. Elle s’en fiche comme d’une guigne. Il revient, me regarde, la regarde, va vérifier le contenu de la gamelle, retourne la voir, tente un bécot et renonce. Il plie ses petites pattes et hop bye bye, vos histoires de fille je n’y comprends rien.
Nous sommes restées là un moment, silencieuses, immobiles, à nous zyeuter, à chercher des réponses à nos questions muettes, et puis nous nous sommes apaisées, détendues ; elle s’est gonflée comme une poule qui couve, s’est tassée sur elle-même et a commencé à somnoler. Je suis rentrée quand le soleil a décidé d’arrêter de chauffer la scène. Elle s’est envolée.

Fred Aster

Depuis quelques temps un pigeon qui ressemble comme deux gouttes d’eau au boy friend de Rosita fréquente le balcon. Il m’a déjà fait le coup de n’a-qu’une-patte aussi. Je me suis trompée et puis en regardant attentivement ses plumes arrière, non ce n’est pas l’amoureux. Il a un signe distinctif très particulier, il ne marche pas, il danse. Et les bruit de ses griffes sur la couvertine ressemble à des claquettes assourdies. D’où le nom dont je l’ai affublé. Mais à l’arrêt je ne le distingue pas d’un autre pigeon.
Il est parfaitement effronté, ne s’envole pas quand je me rapproche, il se déplace en dansant et serait capable je crois de rentrer dans le salon. Je ne croyais pas si bien dire… Tu vois pendant que j’écris un pigeon a passé la tête par la fenêtre, c’est Rosita en fait, mais je ne l’ai pas reconnue tout de suite. Elle venait demander où donc avait disparu sa gamelle. Je vais bientôt me retrouver avec des fientes dedans si je ne fais pas attention….
Revenons à Fred Astaire. j’ai remarqué qu’il venait souvent juste après que Rosita se soit envolée. il a du repérer que c’était le bon moment pour ne pas se faire chasser et pour récupérer les graines éparpillées autour de la gamelle. Oui mais un pigeon de plus sur le balcon c’est trop. Nettoyer les fientes de pigeon n’est pas mon activité préférée loin de là ! Donc nous jouons à cache cache, il s’accroche au balcon comme si sa survie en dépendait. Il simule la chute fatale du balcon. Il glisse, essaie de se rattraper et finit par tomber, mais à la différence de feu la chatoune, lui a des ailes. N’empêche, il doit aimer les sensations fortes, une vocation contrariée de cascadeur.
Ce matin je me retrouve oeil à oeil avec son oeil orange. Oui figure toi qu’il a presque le même oeil que Rosita pour me confusionner un peu plus. Je lui rappelle qu’il n’est pas le bienvenu là, il se tasse un peu et arrive un gros pigeon roucoulant. Mes yeux vont de l’un à l’autre. Oui le gros pigeon est bien en train de faire la cour à Fred Astaire qui lui fait les yeux doux, et qui s’envole d’un coté et de l’autre du moteur à roucoulements. Je chasse donc les deux pigeons. Fred Astaire s’envole au tout dernier moment pour se reposer quelques centimètres plus loin. Cinq fois je l’ai chassée avant qu’elle ne capitule. Me voilà bien embêtée, je l’appelle comment maintenant que je sais que c’est une fille ?

Tanti Baci

Suis ton perçu
ton intuition, fais confiance à tes sensations
Laisse-toi porter par ton corps
C’est le fondement d’une réalisation de soi
Paix et lumière dans tes corps.

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Voilà, ce sont les derniers mots de toi vivant qui me restent. Tellement forts et tellement toi. Je garde aussi la bande sonore d’un long entretien que nous avons eu ensemble. Je venais t’interroger sur ce que ton métier t’avait appris sur toi, sur la sagesse que ton métier t’avait apporté (tes nombreux métiers comme je l’ai découvert).

En l’espace d’une entrevue nous sommes passés de complets inconnus à complices, disciples du vivant. Les masques sont tombés très vite, nous avons reconnus l’un chez l’autre quelque chose qui ne se dit pas mais s’éprouve. Nous sommes faits de la même terre et du même souffle vital.

Je suis venue travailler avec toi des territoires inconnus, et apprendre en chemin à mieux te connaitre, à mieux me connaitre. Nous avons fait un très beau voyage avec les autres élèves du groupe, singulière expérience d’être un ensemble et d’être un(e) séparé(e), singulier(e).

Tu étais un témoin vibrant de la vie dans son opulence, sa générosité, son humilité et tu savais la faire goûter jusqu’au tréfonds de nos cellules. Tu étais un témoin éclatant de l’importance du travail sur soi, de la responsabilité que nous avons vis à vis de nos vies, de notre évolution, et de ceux et celles qui nous accompagnent, notamment les animaux.

Tu avais à cœur de nous apprendre à explorer, ressentir, développer et cristalliser la conscience de notre Être profond dans toutes nos dimensions :  connaissance directe, spirituelle, mentale, émotionnelle, énergétique et physique.

Tu étais comme les cuisiniers zen à mettre un soin amoureux dans ce que tu faisais, la manière dont tu cuisinais (tu aimais la cuisine sensorielle : alchimie des plantes sauvages et du jardin), la manière dont tu nous accueillais, dont tu enseignais avec humilité ; tu savais nous rendre chacun et chacune unique et précieux.

Paix, joie et lumière à toi précieux compagnon !

 

La danse du lion

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Pas question de commencer l’année sans avoir la danse du lion devant sa boutique et les guirlandes de pétards pour chasser les mauvais esprits.  Belleville bruisse de tambours, de poudre et d’oeils enfantins. Oui, oui on s’arrête à tout âge pour regarder cette parade festive et les sourires qui fleurissent un peu partout. Jour de fête assurément.

Little paradis

Hier soir c’était le lancement de Little paradis, parcours féérique dans les rues du 10e arrondissement. Animation garantie de 17 à 23 heures. Noël avant Noël. Et cela se poursuit jusqu’à dimanche de 14 à 19 heures.

Sitôt la réunion de bureau de l’assoc  finie, je file ligne 2, descente à Barbès et marche revigorante jusqu’à la rue Hauteville, moi grippée et déguisée en oignon, la tête sous un bonnet gris des moins gracieux, mon amie dans sa doudoune noire très classe en duvet, les cheveux aux vents. Pas besoin de lire les noms des rues, il suffisait d’y aller à l’oreille. La fanfare s’entend d’assez loin, et les percussionnistes s’en donnent à cœur joie sur leurs tambours. Ils se réchauffent à leur manière… Et hop nous voilà arrivées. La porte poussée je fonds comme un loukoum. L’atelier de MeCR est chauffé, ô miracle, et surtout cela déborde de chaleur humaine et d’étoiles dans les yeux. Et zou bonnet, manteaux, pulls valsent et atterrissent sur la banquette. Direction les deux salles microscopiques, l’une pour une exposition des œuvres de MeCr et Vifke, l’autre abrite une performance en cours. Une performance en-thou-si- smante autour de la Féérie du lien et de la rencontre entre le peintre, l’acquéreur et l’œuvre.

Dans la salle,  des séries sont installées : Pierre dorée, Impermanance, Vulcano, Identités plurielles, Papier cadeau-papier froissé, Carrés magiques, Graffitude. Ce sont des séries composées de 12 à 16 peintures qui attendent leur public. Pour participer, quelques règles du jeu simplissimes :

1. Découvrir les séries (un grand moment de bonheur)

2. Avoir – éventuellement – un coup de cœur pour une ou plusieurs pièces (et franchement c’est plutôt choisir qui est difficile !)

3. Prendre le risque de l’acquérir sans connaître d’avance son prix exact. Fourchette 1, 5, 10 ou 20 euros selon la série (en fait cela met même du sel !)

4. Accepter d’être photographié(e) avec l’œuvre (même de dos si on ne veut pas montrer sa trombine). Et c’est votre photo avec l’oeuvre qui sera accrochée sur le mur en lieu et place de l’œuvre choisie.

5. Appartenir désormais à une communauté, celle de l’œuvre complète (et éventuellement rencontrer sur place d’autres membres de la communauté. Après tout si nous avons choisi les pièces d’une même série, nous avons sans doute des choses à nous dire).

6. Revenir en mai 2013 pour la prochaine édition de Little paradis,  avec une photo de l’oeuvre achetée en situation ! et pouvoir découvrir ainsi la prochaine performance !

Les photos sont publiés (presque) au fur et à mesure sur la page facebook de MeCR et sur le mur de l’atelier, c’est jubilatoire. Une fois l’oeuvre choisie, on découvre son prix (tiens c’est quoi au fait la valeur d’une œuvre d’art ? cela se calcule comment ?), on prend ou pas une Marie-Louise pour l’encadrer, on répond à un petit questionnaire astucieux qui fait réfléchir (un peu) sur sa relation à l’art, et on discute, on discute, avec les deux artistes, avec les gens qui rentrent, qui sortent, avec la fanfare (mais comment ont-ils réussi à tous rentrer ???) avec les comédiens troubadours. Et on fait des rencontres improbables :  son voisin qu’on ne voit jamais, un ancien prof, un élève de peinture du même atelier que soi, d’autres artistes, d’autres duos d’artistes, des rêveurs, des promeneurs… Et on repart, l’oeuvre signée sous le bras, son certificat d’authenticité avec, bien à l’abri dans un joli kraft brun, vers une autre destination « art », « design », ou « fashion » au gré de l’envie. Des étoiles plein les yeux, le cœur en fête.

Oui c’est la féérie des communautés !

Contrepoint : rouge

Chez le fleuriste, point de bouquet rouge un peu éteint comme j’aurais aimé. Alors j’ai pris deux couleurs en contraste pour fêter l’automne. Et je suis allée déjeuner chez cette amie, dans cette pièce blanche, ensoleillée, ponctuée de rouge. Le rouge des livres, le rouge des jacquettes des éditeurs, le rouge du fond des étagères et quelques gouttes de rouge ici ou là, disséminées sur des tableaux, des coussins. Et même autour de son cou, juste avant de sortir, elle a noué autour de son cou son nouveau foulard qui lui aussi faisait les yeux doux au rouge

Et quand je suis rentrée à pied chez moi, j’ai bien constaté que ce rouge brique me suit et me fait moultes clins d’oeil, d’une ville à l’autre… de Barcelone à Paris

Cinq jours dans un 4 étoiles, enfin presque…

Une semaine de formation résidentielle, c’était mon menu de la semaine dernière. Dans un hôtel 4*, enfin presque… Récit de cette merveilleuse expérience client que j’ai partagé avec les acteurs locaux. Je vous en livre quelques extraits choisis.
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Dimanche dans l’après-midi mes collègues ont préparé la salle plénière pendant que je profitais encore de la lumière automnale à lire sur mon balcon. Il manquait un carton long que l’hôtel nous avait pourtant certifié avoir réceptionné. Nous l’avons réclamé tous les jours, patiemment, nous l’avons récupéré enfin le mercredi après-midi. Il était dans le placard de la salle d’à coté. Cela ne s’invente pas.
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Nous avions transmis à notre contact « event »  la liste des participants avec un régime alimentaire spécifique (2 sur 36, c’est gérable non ?). A aucun moment ni le midi ni le soir nos interlocuteurs n’ont cherché à identifier qui étaient les personnes concernées. Il s’est avéré en fait que ni le restaurant du midi, ni celui du soir n’avaient l’information . Quand j’ai demandé comment résoudre ce point, il m’a été répondu qu’il suffisait que ces personnes se manifestent auprès du serveur et on leur changerait leur repas. En d’autres termes, guérir oui, prévenir, non bizarre ! L’ anticipation serait-elle une maladie dangereuse ?
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Une fois traité la question du repas des végétariens avec l’ équipe du midi, nous avons eu le désagrément de constater que l’information n’avait pas été diffusée à l’équipe du soir . Ben non, cela aurait été de l’anticipation honteuse, voire de la communication coopérative (d’ailleurs les deux équipes ne se rencontrent pas et ne communiquent pas).  Il a donc fallu recommencer, expliquer à nouveau, reconvenir d’un procesus. Oui la pédagogie suppose de la répétition encore et encore mais quand même..
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Il m’avait semblé acheter une prestation « complète » et non pas quatre prestations : une « Food and beverage » du midi, une « Food and beverage » du soir, une « salles de réunions » et une « chambres ». Naïvement je m’attendais à une prestation de bout en bout avec un interlocuteur unique responsable de son déroulement. Suprême audace, un interlocuteur qui passe tous les jours faire un point pour vérifier le bon déroulement de tout…
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Le soir, diner dans la partie brasserie de l’établissement, un peu à l’écart de la clientèle normale pour nous donner un sentiment d’un peu d’intimité. Le tout jeune homme qui s’occupe de nous est en apprentissage. Il apprend son métier « on the job ». Personne dans la chaine managériale n’a jugé bon de lui donner les informations lui permettant d’enrichir son rôle. Pour lui, il s’agissait visiblement seulement de poser en un temps limité un certain nombre d’assiettes devant chaque client. Il n’avait aucune connaissance du menu, ni de ce qui composait les plats. Il découvrait comme nous au fur et à mesure du déroulement du diner sans connaitre un seul des ingrédients. Inoui ! Je me demande encore comme son maitre d’apprentissage conçoit le travail. Là où cela devient franchement savoureux, c’est que le midi, au contraire, nous trouvions posé sur chaque table un menu en deux langues.
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Notre jeune apprenti n’avait pas non plus été briefé par sa structure de la prestation dont nous étions convenu. Il a donc accepté, ô crime, de servir deux bières – ce qui n’était pas compris dans le fameux « package ». J’ai personnellement assisté à son engueulade par son supérieur,  dans l’entrée de la brasserie (!!!!) qui lui disait explicitement de ne prendre aucune initiative, et de venir vérifier systématiquement ce qu’il avait le droit de faire. Je n’ai pas trouvé non plus cette expérience très agréable – une engueulade en public et devant le client concerné, ni surtout pédagogique pour le jeune : droit à l’erreur zéro, droit aux explications zéro, demande de soumission à l’autorité, totale. Un grand moment de management : l’entretien de recadrage destructeur.
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A la table où ont été servies ces fameuses bières, en fin de repas certains participants ont commandé un thé, ils ont eu au choix pour certains une théière d’eau chaude et c’est tout, et pour d’autres un verre avec un sachet mais pas d’eau chaude. Quant à moi j’ai en vain demandé une bonne demie douzaine de fois du vin blanc à la place du vin rouge que je n’ai pas eu…
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Jeudi soir, mesures de restrictions, en fin de journée il n’y avait plus de lumière dans les sanitaires près de nos salles de réunion, ni de lumière dans les couloirs. La lampe frontale n’était malheureusement pas fournie. Les consultants qui ont travaillé (au lieu de venir avec nous faire une virée dans Paris) n’ont pas trouvé cela très agréable, ils sont retournés dans leur chambre fort tard à tâtons, après avoir vécu gracieusement une expérience « dans le noir » intégrale.
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Vendredi matin, lorsque j’ai ouvert les salles, le ménage n’avait pas été fait, des mugs sales, des bouteilles d’eau vide trainaient, les poubelles n’avaient pas été vidées. En fait la négligence ne concerne pas seulement ce matin là. La vaisselle mise à notre disposition matin et midi était souvent encore graisseuse et pas très engageante. Idem pour les verres et les couverts.
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Quant à mon expérience personnelle, pour le petit déjeuner, elle a chaque fois été « unique ». Parfois j’étais placée, parfois non ; parfois la personne qui me plaçait me demandait ce que je voulais boire, parfois non. Parfois j’avais une boisson chaude dans les deux minutes, parfois beaucoup, beaucoup plus longtemps après avoir réclamé, une ou plusieurs fois. Parfois un sachet de thé, parfois deux. Vendredi matin, c’était jus d’orange ou jus d’orange, alors que tous les autres matins, à la même heure, je pouvais choisir entre trois jus de fruits…
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Dans ma chambre, lit king size et neuf oreillers au cas où vous auriez oublié, j’avais un appareil électrique magique.  Un énorme radio réveil à luminosité réglable. Sans doute plus qu’un radio réveil vu que cela s’appelait I-Home. Mais sans notice j’ai eu du mal à imaginer toutes les tâches que je pouvais confier à la machine (oui en matière IT je suis assez blonde).  Je n’ai pas réussi à trouve le fonctionnement de mon I-home qui avait la malencontreuse idée de sonner à 6h40, un peu tôt pour moi. J’ai donc demandé de l’assistance à une hôtesse qui m’a accompagnée dans ma chambre, qui n’a pas su mieux que moi comment faire et m’a donc suggéré de débrancher l’appareil. Elle m’a demandé ma date de départ et dit qu’elle préviendrait le service de ménage pour que l’appareil ne soit pas rebranché avant mon départ. Tous les matins, j’ai retrouvé l’I-home soigneusement rebranché… Ce n’est pas grave, mais pourquoi faire une promesse qui ne peut être tenue ?
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Ne vous méprenez pas, je ne suis pas en train de dire que les salariés de cet hôtel travaillent mal, ils font ce que le management de l’hôtel attend d’eux. Cela n’a rien de personnel, chacun d’eux individuellement est absolument charmant et plein de bonne volonté. Mais à chaque question posée, la réponse était systématiquement : » je prends note, je vais voir avec mon supérieur ce que je peux faire ». Quand ils sont interpellés, ils répondent à l’interpellation et cherchent une solution. C’est leur mode normal de travail, et comme ils ont une marge de manœuvre extrêmement limitée, cela doit être assez compliqué et inconfortable à vivre.
Leur charte affiche pourtant « the unshakeable conviction that our people are our most important asset » et que leur  » environment supports associate growth and personal development »… Cherchez l’erreur !

Cinq heures dans Paris

Jeudi dernier, l’espace d’une soirée, j’ai troqué ma casquette de coanimatrice d’un business game pour prendre celle de tour operator guide de Paris. Avec ma collègue allemande, nous avons un peu bousculé le timing de la journée, compacté certaines séquences, et, horreur pour les frenchies, organisé le dine   18 heures de manière à rejoindre Paris vers 19h30.

Direction Concorde, la grande roue, un tiers de Tour Eiffel, les horribles illuminations rouges et bleue des Champs, le jardin des Tuileries plongé dans le noir, le Crillon tout éclairé. Trois petits tours et nous voilà partis pour rejoindre la rue de Castiglione, la place Vendôme et ses incroyables limousines (les mêmes que celles de Belleville le dimanche matin), la rue de la paix, la place de l’Opéra. Zut l’opéra est protégé par des barrières et des petits hommes bleus. le grand escalier où nous voulions faire une photo de groupe, recouvert d’un splendide tapis rouge inaccessible. J’essaie avec un collègue de parlementer avec les hommes en uniforme. Très détendus (c’est pas toujours le cas pour les soirées privées…) ils nous expliquent que ce serait mieux de repasser vers minuit si nous voulons vraiment faire notre photo.

Bon, tant pis, cap sur les vitrines de Noël. Splendides certes mais pas du tout de Noel cette année. Un peu de déception. Une partie du groupe s’échappe pour aller voir la coupole des galeries Lafayette, puis nous montons sur le toit du Printemps. la Tour Eiffel a le bon goût de se mettre à scintiller pour la plus grande joie de ces touristes du soir. La tour Montparnasse émerge à peine d ela brume. Redescente au 2e étage pour acheter des macarons, et nous voilà repartis, certains avec leur joli sac vert tendre au bras. Halte dans un pub irlandais – be oui c’est typiquement français, non ? puis reprise de la balade en direction de l’Opéra comique, la bourse du commerce, le jardin du palais royal, la Comédie française, le Louvre et la pyramide -éteinte la bougresse !

Il est minuit, il fait toujours extraordinairement doux dehors ; le groupe est devenu assez silencieux, ils sont éreintés, moi aussi. Dans le métro de retour cela négocie sec. Ils rêvent de commencer une heure plus tard. Je leur demande s’ils préfèrent dormir une heure de plus et changer leur heure de vol de retour ou se lever à l’heure prévue et attraper leur avion dans l’après-midi. Le choix est rapide. Nous croisons les indignés de La Défense qui ne sont pas encore couchés. Les nuits doivent commencer à être fraîches pour eux avec le pauvre équipement que la police leur laisse.

Je me glisse dans mon king size à 9 oreillers avec délice sans trop penser au réveil qui suivra… ni à la poignée d’indignés dehors.

L’ouverture à 8h 30 se fait doucement, tout doucement, il reste des étoiles dans les yeux endormis?

Les chrysanthèmes de la Bourse

Début novembre, la station de métro Bourse a été taguée et détournée. Jeudi 10 novembre, nouveau détournement étonnant. Sur le parvis, juste à la sortie du métro, une immense guirlande de pots tricolores de chrysanthèmes : roux, blanc et jaune ou brun ou violet. Et le miracle se produit, la foule pressée ralentit, se disloque, une partie des gens s’arrête, l’autre trace imperturbablement vers son occupation matinale.

A pas menus, la foule de curieux se rapproche du grand dragon de fleurs posées sur le bitume, comme pour l’apprivoiser. Certains se penchent, d’autres cherchent le piège, et puis d’autres encore s’élancent, un pot, deux pots, trois pots à la main, dans les bras. Les badauds tout autour en sont tout esbaudis. Mon voisin me demande si, à mon avis, on peut vraiment se servir, je lui réponds que oui après avoir lu le flyer glissé dans certains pots.

Mais je reste intrigué alors je remonte des yeux le dragon fleuri, jusqu’à deux jeunes hommes qui parlent en s’agitant avec un groupe de personnes près d’eux. Certains avec de spots, d’autres non. Ces deux artisans paysagistes ont voulu faire un clin d’œil à la crise et montrer que des gestes gratuits sont encore possible malgré la crise.

Ma fibre écolo décodait un peu autrement leur flyer qui invitait à ne pas laisser le pot sur le bitume mais à l’emporter, le mettre en terre, et donner aux fleurs l’environnement dont elles ont besoin pour vivre et donner à nos yeux le plaisir de les contempler…