Manges-tu de la viande ? Éprouves-tu attirance ou dégoût ? Selon certains, la désaffection pour la viande, serait orchestrée par les écologistes et les campagnes anti-cholestérol (clique sur le lien du site Dukan, oui oui, incroyable !), disons qu’elle émanerait d’un souci de santé, selon l’équation fameuse viande = gras = cholestérol = problèmes de santé. Bien sûr il y a aussi des motifs religieux, culturels ou sentimentaux. Il parait que nous mangeons moins de lapin depuis que c’est un animal de compagnie, moins de cheval aussi.
Le moins qu’on puisse dire c’est que nos goûts ont beaucoup fluctué dans le temps. Le bœuf longtemps réputé viande inférieure a renversé la tendance et autres tours de passe-passe bien expliqués dans cet excellent article d’OCHA, l’observatoire du Centre national interprofessionnel de l’Economie Laitières des habitudes alimentaires.
Je n’ai lu ni le livre de Jonathanan Safran Foer – Faut-il manger des animaux ? ni celui de l’excellent Fabrice Nicolino – Bidoche. Et pourtant je suis dans cette mouvance de manger moins de viande, pas par choix idéologique (encore que) mais parce que j’en ai de moins en moins envie. Disons j’ai surtout de moins en moins de plaisir à manger de la viande. A qui la faute ?
J’ai fait deux expériences singulières à Noël. Dans les Cévennes reculées où j’étais allée me ressourcer, j’ai acheté pour la première fois de ma vie un chapon de pintade du Gers. Une merveille. Nous avons mangé avec gourmandise cette presque grosse bête, goûteuse, savoureuse qui nous a tous étonnés. Le même plaisir qu’avec des poulets de ferme bien élevés.
Quelques jours plus tard, notre propriétaire nous a apporté un grand morceau de sanglier (côtes première, échine et palette) qu’il avait abattu deux jours avant. Un jeune du printemps, soigneusement épilé. J’ai enlevé la palette et mis le reste à cuire au four comme un rôti de porc. Et là, extase. Une viande maigre et parfumée avec laquelle se battre pour l’arracher des os. Un vrai plaisir à ronger et sucer les os, à manger jusqu’à la dernière miette de viande. Plaisir j’insiste, jubilation presque et sentiment de manger quelque chose de bon pour moi. Cela ne m’était pas arrivé depuis un sacré paquet de temps. Sans préméditation mais quelle joie.
Alors quoi ? Je pense que les animaux qui vivent leur vie d’animaux ont une viande qui se parfume du terroir – des champignons, des châtaignes et glands qui poussent là, une viande qui garde l’empreinte de leur vie, de sa saveur, de ses émotions. C’est une viande vivante et nourrissante alors que la majeure partie de la viande qui nous est proposée sur les étals est une viande morte, morte depuis l’origine. Et quand elle nous est servie cuisinée industriellement elle est recouverte de saveurs, exhausteurs de goûts et autres saletés…
Alors je préfère en manger moins souvent, mais en manger avec plaisir, en conscience.