Une tranche de terre humide dans les mains. Je la malaxe, je la pétris, je la tasse, je la frappe, je la roule. Progressivement les gestes perdent leur timidité et s’affirment.L’argile s’assouplit et se réchauffe. Les doigts laissent une empreinte différente de la paume. Les sillons de ma peau se déposent en relief à sa surface. Elle s’anime. Lentement, patiemment j’essaie de donner à cette matière la forme d’un œuf. Comment c’est un œuf ? comment mes mains peuvent elles bien lui donner cette forme ? La forme du berceau qu’elles dessinent quand elles s’unissent du bout des doigts et des poignets.
Voilà, l’œuf est là, l’intention de l’œuf plutôt. Le couper en deux, l’évider pour ne garder que son enveloppe, son écorce de terre. Jouer patiemment de la mirette pour creuser de manière uniforme. Ne garder que le demi centimètre sous peine de voir l’œuvre exploser à la morsure du feu et de la chaleur..Re-assembler les deux morceaux comme un œuf de pâques plein de promesses. lisser la jointure pour la faire disparaitre. Un œuf nouveau apparait alors. Plus léger. Sculpter la matière en appui sur le vide. Exposition directe à la fragilité de l’argile, à la nécessaire douceur des mains. Chercher le geste juste, l’impulsion juste qui s’imprime dans l’argile assez forte pour laisser une trace, assez légère pour ne pas la briser, Fermer les yeux, chercher sous le pousse un sillon, une promesse de vallée et la suivre.
A travers l’œuf apparait une forme, femme, conque, oiseau, monstre, gorge, ours chat. Qu’importe. C’est le début de la danse, la danse entre les mains, le corps et l’argile qui ensemble créent une pièce neuve, fraiche,qui n’existe pas encore. Une forme nouvelle née qui émerge et s’invite dans la danse. Je rêve de formes que mes mains ne savent pas encore trouver dans la terre. aujourd’hui elles ont trouvé une forme qui se love dans leur creux, une forme qui se spirale, qui hésite entre horizontale et verticale. A force de caresses à l’éponge, à la cuiller, au couteau, la surface s’anime d’un grain différent. L’ébauchoir aide à l’ébauche, et ce sont les mains, les doigts ou d’autres outils qui viennent affiner, amplifier les formes et les mouvements qui ont surgi.
Pendant ce temps là, une partie du cerveau s’est mise au repos, le jugement progressivement s’est tu, la comparaison s’est évanouie, l’environnement s’invite avec moins de vigueur dans ma bulle créative, les émotions naviguent librement sans que rien ne les arrête. elles passent comme les feuilles dans le ruisseau. Et tout à coup le doute surgit, le mental se rebranche à la seconde avec son cortège de lourdeur et de sérieux. Redescend dans tes mains, m’invite patiemment celle qui sait le geste juste. Je redescend, sans combat, dans la sensation, là où les yeux n’ont plus prise, dans la sensation et le plaisir. Et la danse reprend.
Plus tard, la main suspend son travail. Reste le plaisir de faire tourner la pièce modelée dans les mains, en tout sens en haut, en bas, la regarder avec l’œil du débutant, la caresser une dernière fois. La signer et lui offrir le repos du séchage lent, avant de lui imprimer sa forme définitive par le feu. Prendre le risque qu’elle explose….
C’était hier à l’atelier » le Cru et le Cuit » avec le guidage doux, précis et chaleureux de Catherine Chavigny.
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